Pour une large autonomie de la Guadeloupe

Je souscris, j’adhère, je soutiens l’idée, le projet d’une large autonomie d’autonomie de la Guadeloupe. Statut de large autonomie qui peut très bien s’intégrer dans l’article 74 de la Constitution ou d’un statut sui generis, car celui-ci permet d’avoir un statut à la carte, de définir le degré d’autonomie que nous souhaitons pour notre pays. L’essentiel n’est-il pas de sortir du territoire douanier européen et de doter le pays de nouvelles compétences permettant le développement ?
Dans les « Extraits du « Rapport d’orientation des « Assises » et de l’ « Appel au Peuple Guadeloupéen » que CCN du 9/2/2012 publie, il y a deux aspects qui retiennent particulièrement mon attention, appellent des éclairages, soulèvent des interrogations qui peuvent nourrir le débat, la réflexion. Le premier des ces aspects est le suivant :
« Pour rendre effectif l’exercice de ce droit à l’auto-détermination du peuple guadeloupéen, la démarche suivante est proposée :
Une action politique de masse pour imposer de rayer le nom de la Guadeloupe de la liste des pays cités dans l’article 72.3 de la Constitution, comme “population” dans le peuple français. »
« ARTICLE 72-3.
La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité.
La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer, et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités.
Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.
La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton. »
Il est vrai que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, nous désignait, nous incluait comme peuples dans les articles suivants:
« La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.
L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en
commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.
Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus. »
Entre temps la Constitution a été modifiée et il me semble donc, que cette proposition des Assises risque d’être confrontée à deux difficultés majeures : d’une part, celle de mobiliser nos compatriotes sur la base de ce motif. Une « action politique de masse » pourra-t-elle obtenir du Gouvernement français d’effacer d’un trait de plume, le nom de notre pays dans la Constitution ? Est-ce que nous allons jeter nos forces dans cette bataille-là? Pendant combien de temps allons-nous nous mobiliser pour parvenir à cette objectif? Si le Gouvernement nous oppose une fin de non-recevoir qu’est-ce nous aurons gagné en définitive? Avons-nous besoin de la reconnaissance de la France en tant que peuple pour avoir conscience de cette réalité qui saute aux yeux de tous? Est-ce un préalable, un prérequis à la démarche qui consiste à proposer un statut d’autonomie pour la Guadeloupe? D’autre part, l’autre difficulté, me semble t-il est liée au fait qu’au regard de la Constitution française cette perspective est improbable, compliquée. Je m’explique, si l’article 72.3 nous cite comme « population » « au sein de la République » l’Etat français lui, a un modus operandi pour modifier sa Constitution. L’article 89 de la Constitution stipule que « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement. Pensez-vous que les parlementaires de la Guadeloupe déposeront sur le bureau de l’Assemblée Nationale une proposition de loi afin de « rayer le nom de la Guadeloupe de l’article 72.3 de cette Constitution » ? Est-ce qu’une « action politique de masse pour imposer de rayer le nom de la Guadeloupe de la liste des pays cités dans l’article 71.3 de la Constitution, comme « population » dans le peuple français » a elle seule aura le pouvoir de châtrer un mot, une ligne, un paragraphe de ladite Constitution ? En quoi cette démarche serait-elle susceptible de nous permettre d’apporter des solutions fiables, pérennes aux problèmes qui se posent à la nation guadeloupéenne ? Qu’est-ce que cela changerait pour la Guadeloupe sur le plan économique, social, politique…? Avons-nous besoin de requérir, de demander au gouvernement français de changer une virgule, une ligne, une nomination dans la Constitution pour changer quoique ce soit dans notre pays ? Est-ce que la priorité se situe dans cette démarche ? Pour que la Constitution française soit modifiée, révisée voici la procédure :
« Titre XVI – DE LA RÉVISION
ARTICLE 89
.
L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. »
Il est vrai que dans la Résolution 66 du 14 décembre 1946 il est écrit noir sur blanc qu’en application de la Charte 73 des Nations Unies ceci :
« 66 (1). Transmission des renseignements visés à l’article 73e de la Charte
L’Assemblée générale a approuvé, le 9 février 1946, une résolution relative aux populations non autonomes. Par cette résolution le Secrétaire général avait été invité à inclure, dans son rapport annuel sur l’activité de l’Organisation, une déclaration résumant les renseignements qui lui auraient été transmis par les Membres des Nations Unies en application de l’Article 73e de la Charte et relatifs aux conditions économiques, sociales e de l’instruction dans les territoires dont ils sont responsables, autres que ceux auxquels s’appliquent les chapitres XII et XII.
L’Assemblée générale note que des renseignements ont été transmis par les Gouvernements de l’Australie, sur la situation de la Papouasie ; de la France, sur la situation de l’Afrique-Occidentale Française, de l’Afrique-Equatoriale Française, la Côte Française des Somalis, Madagascar et dépendances, les Etablissements Français de l’Océanie, l’Indochine, les Etablissements Français de l’Inde, la Nouvelle-Calédonie et dépendances, Saint-Pierre et Miquelon, le Maroc, la Tunisie, les Nouvelles-Hébrides sous condominium franco-britannique, la Martinique, la Guadeloupe et dépendances, la Guyane française et la Réunion (sans préjuger le statut futur de ces territoires) ; […] »
Le 19 mars 1946, comme chacun le sait, la Guadeloupe était érigée en « département ». Colonie départementalisée comme dirait Serva.
Le deuxième aspect est celui-ci :
– « Notre démarche et notre revendication politique ont pour fondement le droit à l’autodétermination des peuples, conformément à la charte des Nations Unies qui reconnait à tous les peuples le droit de décider eux-mêmes du système de leur choix. »
Que nous dit la Charte des Nations Unies à l’article 1, au paragraphe 2 du chapitre I : buts et principes :
« 2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde; »
La notion d‘autodétermination est apparue dans la « Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960 » citée dans la « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux »
L’assemblée générale déclarait notamment que : « 2. Tous les peuples ont le droit de libre détermination; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel. »
Un récent rapport sur les Droits des peuples à l’autodétermination rappelle dans sa conclusion que ce droit est inscrit dans l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la même disposition du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels affirment le droit de tous les peuples de disposer d’eux-mêmes.
« Article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »
Dans un reportage sur Guadeloupe 1ere du 8 février 2012, Félix Flémin déclarait d’une part, la nécessité de « domicilier en Guadeloupe un véritable pouvoir politique guadeloupéen, dans des relations nouvelles avec la France, avec l’Union européenne et dans des relations nous permettant de nous ouvrir sur notre environnement … » (caribéen)… et d’autre part, Alain Plaisir arguait que « Nous considérons qu’on ne peut être dans le droit commun. Donc, ce sont des obstacles au notre développement. Et pour faire sauter les obstacles, il faut changer de statut. Et nous, c’est ce que nous voulons, alors que M. Lurel et Gillot, ils veulent simplement un aménagement administratif dans le cadre du droit commun. »
Il y a un autre écueil et non des moindres qui pourrait se dresser devant la démarche, c’est à mon avis, le fait que la Guadeloupe ne fait pas partie des territoires non autonomes à décoloniser. Avons-nous des élus prêts à entreprendre une démarche d’inscription de la Guadeloupe sur la lise des territoires non autonomes à décoloniser ? Y a-t-il une pétition qui circule en Guadeloupe dans ce sens ?
« Le Comité se réunit chaque année pour revoir et mettre à jour la liste des Territoires concernés par la Déclaration. Il écoute des représentants élus et nommés des territoires ainsi que des pétitionnaires, dépêche des missions dans les territoires et organise des séminaires sur la situation de leur système politique, social, économique et éducatif. Le Comité formule également chaque année des recommandations relatives à la diffusion d’informations en vue de mobiliser l’opinion publique en faveur du processus de décolonisation et il célèbre la Semaine de solidarité avec les peuples des territoires non autonomes. »
La définition des notions d’autodétermination, la citation des textes de référence sont nécessaires pour savoir de quoi on parle et ce qu’ils impliquent. La question qui se pose est de savoir comment fonder une revendication et une démarche politique sur la Charte des Nations Unies alors que la finalité du processus est « la conquête d’un Statut de large Autonomie domiciliant le pouvoir politique guadeloupéen.» Comment la Charte des Nations Unies s’articule t-elle avec le projet d’autonomie de la Guadeloupe ? L’article 74 de la Constitution française permet d’accéder à l’autonomie, de nous affranchir du droit communautaire, de prendre des mesures en matière d’accès à l’emploi, de maîtrise du foncier…
« Article 74
Modifié par Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 – art. 10

Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République.
Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :
-les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;
-les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;
-les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
-les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.
La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles :
-le Conseil d’Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ;
-l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
-des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
-la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’Etat, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques.
Les autres modalités de l’organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »
Ce sont ces questionnements, ces éléments que j’ai envie de soumettre au débat.

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