Evolution institutionnelle et/ou statutaire de la Guadeloupe en questions?

La question de l’évolution institutionnelle de l’archipel de la Guadeloupe est revenue dans l’espace public guadeloupéen par le truchement d’un amendement déposé par Jacques Gillot et ses collègues. Jacques Gillot avait déposé un amendement le 3 juillet 2014 dans ce sens, sur le bureau du Sénat, mais finalement retiré. Cet amendement avait été qualifié de « cavalier législatif« . Notons que si Jacques Gillot n’était pas présent en séance publique pour défendre son amendement ce jour-là, c’est son collègue, M. Philippe Kaltenbach qu’il a chargé de le faire. À cette occasion, le gouvernement avait donné un avis défavorable par la voix de M. André Vallini, secrétaire d’État arguant que « D’une part, le projet de loi dont nous débattons ce soir, ou ce qu’il en reste après le rejet de l’article 1er, ne porte que sur les régions métropolitaines. D’autre part, l’amendement n° 136 rectifié est anticonstitutionnel puisque, M. le président Jean-Jacques Hyest vient de le rappeler, il ne peut être question de donner une injonction à l’exécutif. »
Ensuite, il faut rappeler que le sénateur Guadeloupéen a posé une question écrite au premier ministre parue au JO du Sénat le 10 juillet 2014, sur l’organisation d’une consultation référendaire sur l’évolution des institutions en Guadeloupe. Le 28 octobre 2014, il a déposé plusieurs amendements dont un va faire la navette à l’Assemblée nationale.
Depuis le dernier congrès du 15 mars 2013, celle-ci semblait renvoyée aux calendes grecques, du moins, par certains en capacité d’en délibérer, comme le permet la législation de 2003.
Jacques Gillot voudrait que les électeurs de la Guadeloupe se prononcent en faveur d’une collectivité unique. Pour autant, le débat qui devrait permettre à ces électeurs de faire un choix éclairé n’est pas tenu. Comment prétendre les interroger sur l’avenir institutionnel en usant pas de pédagogie et en occultant avec soin le volet statutaire qui est son corollaire.

De nombreuses questions ne sont pas posées et demeurent pourtant à la porte du débat public.

1°) – Quelle différence y a-t-il entre une assemblée unique et une collectivité unique ?

2°) – Quel intérêt la Guadeloupe aurait à évoluer vers l’une ou l’autre des institutions pré-citées, hormis les arguments de la lisibilité des politiques publiques, de l’efficacité, de l’enchevêtrement, des doublons de la déperdition ?

3°) – Qu’est-ce que cela apporterait à la Guadeloupe d’être érigée en assemblée unique ou collectivité unique ?

4°) – Quelle serait l’architecture de cette nouvelle institution sur le plan du nombre d’élus, le mode de scrutin, la durée du mandat ?

5°) – De quelles prérogatives, compétences, marges de manoeuvre disposerait cette nouvelle institution et pour mettre en oeuvre quelles politiques publiques? Que ferait une assemblée unique ou une collectivité unique dans le cadre de la prise en charge des affaires publiques et que ne peuvent entreprendre les deux collectivités majeures ?

6°) – En ce qui concerne les chantiers à ciel ouvert de la Guadeloupe, depuis des lustres, – eau, déchets, transport public, tourisme, l’agriculture, le foncier, la dépendance économique (importation notamment), l’indépendance énergétique, l’éducation, la formation professionnelle, la création de richesses, la création d’emplois, la mise en valeur des ressources de la mer, la fiscalité (l’octroi de mer notamment) la biodiversité, le caractère archipélagique de la Guadeloupe, nos relations avec nos voisins de la Caraïbe, l’Europe, les services publics … – que pourrait faire différemment, de mieux, une telle institution en regard des compétences des deux collectivités existantes ?

7°) – Quelle serait la « valeur ajoutée » de cette assemblée unique ou collectivité unique ? Qu’est-ce que l’une ou l’autre de ces institutions apporteraient de plus ou de mieux à la Guadeloupe pour son développement ?

8°) – En quoi cette assemblée unique ou collectivité unique changerait la face de la Guadeloupe ?

9°) – Est-ce que des limitations, des freins ont été identifiés au regard du régime législatif et réglementaire de l’article 73 ? Si oui, lesquels et dans quels domaines ? Comment y remédier ?

10°) – Qu’est-ce que cela signifie évolution institutionnelle et statutaire ?

11°) – L’une peut-elle se faire sans l’autre ? L’une peut-elle entraîner l’autre ? L’une est-elle consubstantielle, transversale à l’autre ?

12°) –  Qu’est-ce qu’une évolution statutaire vers l’article 74 apporterait à la Guadeloupe considérant le statut de DROM de la Guadeloupe ? Qu’est-ce que la Guadeloupe ne peut pas faire en raison de son statut de DROM ? Dans quels domaines ? Dans le cas d’une autonomie prévue par le régime législatif et réglementaire de l’article 74, l’article 72 (qui prévoit que « Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa« , c’est-à-dire, sui generis) quelles seraient les modalités de mise en oeuvre de nouvelles politiques publiques ?

13°) – À l’ère de la diminution des dotations de l’Etat, de disette budgétaire avec quelles ressources financières, cette assemblée unique ou collectivité unique pourrait-telle assumer les responsabilités qui seraient les siennes dans cette perspective politique ?

14°) – Y a-t-il une étude prospective, une étude approfondie, un rapport détaillé sur toutes ces questions, leurs tenants et aboutissants ? Les implications, conséquences ?

15°) – Eu égard aux compétences que les collectivités duales exercent aujourd’hui, quelles évaluations des politiques publiques qu’elles ont mis, mettent en oeuvre qui démontrerait qu’une collectivité unique ou une assemblée unique aurait un impact significatif dans la conduite des affaires publiques de la nation guadeloupéenne ?

16°) – Quelle serait la plus-value d’un fusion des deux collectivités ?

17°) – Quelles seraient les contours, le fondement, l’étendue des prérogatives de « la domiciliation du pouvoir local » ?

17°) – Pourquoi le sujet de l’autonomie, de l’accession à la souveraineté est écartée du débat, alors la Constitution prévoit ces options ?

 

La Guadeloupe est à la croisée des chemins. Pour que les électeurs de la Guadeloupe puissent se déterminer en toute connaissance de cause sur l’avenir politique du pays, toutes ces questions méritent des réponses éclairées, argumentées, débattues.

Article mise à jour le 25/12/2024

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