L’adoption de loi organique dans le cas d’un changement statutaire

Après avoir examiné le cadre constitutionnel dans la perspective d’un changement statutaire pour l’archipel de la Guadeloupe, il convient de regarder la loi organique, pièce maitresse du dispositif statutaire. Dans le processus pour atteindre le statut de PTOM, ainsi que le CIPPA l’a synthétisé, lorsque l’étape de l’élaboration de la loi organique se présentera. La jurisprudence en la matière est très instructive et le législateur a prévu une procédure strictement balisée pour aboutir à l’adoption d’une loi organique de la nouvelle collectivité.

Qu’est-ce qu’une loi organique ?

La Direction de l’information légale et administrative fournit cette définition : fournit cette définition : “Les lois organiques (article 46 de la Constitution) ont généralement pour objet de préciser l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics en application d’articles de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence qui vise notamment à ce que les lois organiques n’interviennent que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution. Lors de la procédure parlementaire, en cas de désaccord du Sénat, la loi organique doit être adoptée par l’Assemblée nationale à la majorité absolue. Une loi organique qui concerne le Sénat doit impérativement être approuvée par le Sénat. Les lois organiques sont obligatoirement soumises au Conseil constitutionnel.”

Quels sont les textes qui prévoient la loi organique pour un changement de statut ?

Ainsi que le rappelle un article Les collectivités territoriales régies par l’article 74 paru dans les NOUVEAUX CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N° 35 (DOSSIER : LA CONSTITUTION ET L’OUTRE-MER) – AVRIL 2012

“L’article 39, alinéa 2, de la Constitution dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités sont soumis en premier lieu au Sénat ». Le Conseil constitutionnel a jugé que les termes « projets de loi » englobent les « projets de loi organique » (6). La notion d’organisation étant interprétée de façon large (7), la quasi-totalité des projets de loi relatifs aux statuts des COM sont soumis à cette exigence. En revanche, celle-ci ne s’impose ni aux amendements (8) ni aux propositions de loi.

En outre, en vertu du deuxième alinéa de l’article 46 de la Constitution, un « délai de réflexion » est imposé entre ce dépôt et la première délibération. Ce délai est en principe de six semaines en application des dispositions combinées des articles 42 et 46. Il est de quinze jours lorsque la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement dans les conditions prévues à l’article 45. Le Conseil constitutionnel vérifie de façon systématique son respect.”

Dans le cas d’une évolution statutaire d’autonomie, l’article 74 dispose que dispose que “Les collectivités d’outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe : les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique (…) “La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles : le Conseil d’Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi; l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité (…)

La Guadeloupe étant régie par l’article 73, le dernier alinéa prévoit que “la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités.”

L ‘article 72-4 de la Constitution dispose qu’ L ‘article 72-4 de la Constitution dispose qu’ “L ‘article 72-4 de la Constitution dispose qu’ “aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.”

La place et le rôle de l’assemblée délibérante dans l’adoption de la loi organique

Celle instituant une collectivité dotée de l’autonomie sur le fondement de l’article 74 est prévue notamment aux articles 39, 46, 72-4, 73 de la Constitution. En effet, pour l’organisation des collectivités territoriales, c’est devant le Sénat que le texte de la loi organique est déposé. L’avis de l’assemblée délibérante est formé sur la base des requêtes des élus eu égard aux transferts e compétences qui auront été exprimées dans la délibération transmise au gouvernement à l’issue du congrès des élus (article L5915-1 du Code général des collectivités territoriales) et des négociations dans le cadre de son élaboration. Les extraits qui suivent montrent de manière factuelle, irréfragable que les élus-es prennent une part active dans l’élaboration de celle-ci :

  • Extrait du Compte rendu du Conseil des ministres du 12 décembre 2018 : “La ministre des outre-mer a présenté un projet de loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française et un projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française. Fruit d’un important travail de concertation avec les élus de Polynésie française, cette réforme statutaire permet la mise à jour de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, comme cela avait été convenu dans le cadre de l’accord pour le développement de la Polynésie française, signé le 17 mars 2017.”
  • À propos de la Répartition des compétences, un extrait disponible sur le site du Haut- Commissariat de la République en Polynésie française : “Le concept d’autonomie a été mis au point progressivement par un dialogue constant entre les instances polynésiennes et le gouvernement national. Son application repose sur un partenariat entre l’État garantissant la solidarité nationale et la sécurité globale de la société, et la volonté des Polynésiens de mettre en valeur leurs ressources propres. Elle a permis un développement économique, social et culturel de la Polynésie française sans précédent.”
  • Extrait de l’étude d’impact consultable dans le dossier législatif précédent la LOI organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française : “Le présent projet de loi organique traduit ainsi donc la volonté partagée du Gouvernement et des élus polynésiens, sur la base d’un constat partagé.”
  • Extrait d’un Rapport AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (n° 3164), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française : “L’adaptation du principe de la convention fiscale aux relations avec les collectivités d’outre-mer – En application de ce régime, les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution se trouvent au regard du droit fiscal dans une situation comparable à celle des pays étrangers. Il devient nécessaire non seulement de définir la notion de résident fiscal de la collectivité concernée mais également, afin de préserver les liens commerciaux et financiers entre elle et la métropole, d’édicter des règles permettant d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales, comme le ferait l’État avec les autres pays ou entités disposant de la souveraineté fiscale au moyen de conventions fiscales dont la ratification est autorisée par une loi ordinaire. C’est pourquoi l’État est amené à négocier avec ces territoires des conventions fiscales, qui s’apparentent, dans leur contenu à défaut de leur statut, aux conventions fiscales internationales. Ainsi, les relations fiscales entre l’État et la Polynésie française obéissent à une convention des 28 mars et 28 mai 1957 ;”

Dossier législatif relatif à la loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer

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