Après quelques années de léthargie, nos cher(e)s élu(e)s se réveillent brusquement comme le promeneur sur le chemin de l’Habituée Négresse, qui accélère les pas surpris, par une averse. Je croyais que la cour dormait sur son matelas en coton longue fibre avec insouciance, mais c’était juste on ti pijé zyé depuis 2013. Car il aura suffi d’une variation du chef d’orchestre sur le thème de la différenciation pour que ces derniers soient pris d’une sorte de soudaine bougeotte, essaient de ba kò a yo bann.
Nous sommes au crépuscule de l’année 2019 et vous réunissez le congrès. Deux semaines avant, vous conviez le public à s’exprimer dans le cadre d’un grand forum citoyen autour de sept thématiques qui portent sur “la gouvernance et l’organisation territoriale, l’emploi, le développement économique et humain, les politiques sociales et solidarités, la fiscalité, l’urbanisme, le chevauchement de compétences.”
Cette sorte de séna numérique arrive non seulement très tardivement mais de nombreuses questions ou sujets sont mis sous le tapis. En outre, aucun bilan des actions des collectivités n’est présenté dans les domaines relevant des compétences respectives de chaque collectivité. Une mise à plat exhaustive de tous les dossiers aurait été une démarche inaugurale. Qu’en est-il des schémas et programmes de planification listés à l’article 3 de la Résolution n°1 du congrès du 15 mars 2013 ? À ceux-ci, il convient d’ajouter d’autres comme le SRIT (Schéma Régional des Infrastructures de Transport), le PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie)…etc…
Je voudrais bien contribuer, mais je ne peux répondre aux sujets présentés, à la volée, à la légère, à la va-vite. Il faut se documenter, compulser des ressources, (INSEE, CEROM, rapports de l’IEDOM…). Domino ka rimé an pangal, mè pa ka jouwé an pangal ! Sur la question de la fiscalité par exemple, on nous demande : “Pensez-vous que les collectivités territoriales devraient avoir plus de responsabilités en matière de fiscalité ?” Et à cette question, il faut répondre par “oui” ou par “non” ou “je ne sais pas.” Convenez que c’est un peu court comme possibilité de développer des arguments sur un sujet aussi capital pour les finances publiques. Les rédacteurs du questionnaire auraient pu laisser une case ou un paragraphe pour les réponses, voire poser plus de questions. Des thèmes aussi vastes ne peuvent traités par des questions fermées. Il est bien évident que pour la collectivité guadeloupéenne, avoir plus de responsabilités en matière fiscale, relève du bons sens budgétaire car il s’agira de pouvoir fixer des règles en matière d’impôts, droits et taxes. Et par conséquent, de disposer de recettes nouvelles. Pouvons-nous disposer de recettes nouvelles en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution ?
Autre exemple : “La gestion des déchets est une compétence aujourd’hui partagée entre plusieurs niveaux de collectivités. Seriez-vous favorable à ce que cette compétence soit exercée par une seule collectivité” Est-ce qu’on peut répondre par oui ou par non ou je ne sais pas à une telle question ? Étant donné que la compétence est partagée, quel bilan conjoint, quels résultats observés, quelles évaluations de cette politique publique ? Est-ce que les Guadeloupéens sont satisfaits de la gestion des déchets en ce qui concerne la collecte, le traitement, le recyclage, l’environnement?
Autre question posée : “Quelles sont les mesures qu’il conviendrait de prendre pour améliorer les politiques publiques relatives au développement économique et humain en Guadeloupe ?” Depuis le temps que nous parlons de développement économique comment expliquer que la balance commerciale soit aussi déficitaire ? Le seul secteur qui prospère, c’est celui de l’import-distribution. Quelles politiques publiques pour développer le secteur productif, en particulier l’agriculture ? Nombre de nos productions sont concurrencées par l’importation de biens agricoles. Avons-nous les outils pour protéger nos productions ?
Idem pour l’octroi de mer prorogé jusqu’en 2020 est une disposition dérogatoire aux articles 28, 30, 110 du Traité européen. L’autonomie énergétique n’est pas abordée eu égard aux objectifs du PPE…etc…, l’agriculture, la biodiversité, notre ZEE, l’investissement public, l’artisanat et tutti quanti…
Près de 20 ans après le premier congrès de 2001, force est de constater que de résolutions en résolutions les idées des élus ne sont toujours pas plus claires, aucune avancée significative aucun projet sérieux n’est sorti de terre. Des résolutions chassent d’autres sans que les unes viennent enrichir les autres, affiner un projet, sans traduction, transcription, suite. Hak ! Le néant. Dans ces conditions, comment prendre au sérieux la participation à un forum lancé il y a deux semaines, qui sera clos la veille de la tenue du congrès ? À quel moment les résultats seront traités, dépouillés, synthétisés…? De surcroît, à lire l’interview de Mme Josette Borel-Lincertin (France-Antilles du 16/12/19) qui déclare par exemple:”Nous n’arriverons pas à une conclusion après deux congrès, nous le savons,” je peux me demander légitimement si cette “consultation” sous forme de questionnaire limité dans ses thématiques et sa temporalité n’est pas qu’un véglaj, on ti lélé pou gaga vwè ? Il eût été plus judicieux de faire appel à des outils plus sophistiqués, modernes et pertinents pour cette entreprise. ?
Wouvè la won pou nou palé pawòl annou !
© Coucher de soleil sur la plage de Babin, Morne-à-l’Eau (2019)